LE PETIT DESPROGES ILLLUSTRE (PILOTE N° 120 - MAI 1984)



OEIL : n.m., du latin occulus. Pluriel : des yeux. (Un seuil, des cieux, un deuil, des dieux, un oeil, des yeux). L'oeil est à la vue ce que « L'Humanité » est au parti communiste : c'est son organe central. L'oeil est un outil merveilleux. C'est grâce à lui que l'homme peut, en un instant, reconnaître à coup sûr une langoustine d'un autobus, ce qui lui confère évidemment un immense sentiment de puissance sur la nature. La preuve en est qu'un homme privé de ses yeux se met instantanément à raser les murs honteusement. Un homme privé de ses yeux s'appelle un aveugle — dans le langage populaire — ou un nonvoyant — dans le langage trouducul-pompeux des gluants flatteurs mondains. Les aveugles sont parfois ridicules. On en a vu manger des autobus ou voyager en langoustine. Pour ne rien arranger, les aveugles lisent en braillant, au risque de réveiller les sourds. Parmi les aveugles célèbres citons le poète grec Homère, auteur de ! liane, qui était aveugle comme un pot, ma soeur Anne, qui ne voyait rien venir, Pablo Picasso qui s'obstina hélas à peindre malgré sa cécité, et le jazzman américain Ray Charles, tellement aveugle, qu'aujourd'hui encore, il ne sait toujours pas qu'il est nègre. L'oeil se compose essentiellement de l'iris, lui-même percé en son centre de la pupille. Contrairement à la pupille de la nation, la pupille de l'oeil peut se refermer sur ellemême ou s'agrandir à tout moment, et cela sans autorisation spéciale des pouvoirs publics, même dans les pays totalitaires : on cite le cas de plusieurs dizaines de Résumé des chapitres précédents : Après avoir abordé des lettres, A, B,C, D, E, F, G, H, I, J, K, L l'auteur, dans "Pilote" du mois d'avril dernier, s'en prenait aux lettres M et N Jusqu'où ira-t-il ? milliers de pupilles s'agrandissant d'effroi en toute liberté, en Union soviétique ou au Chili notamment. Le fond de l'oeil est tapissé de la rétine sur laquelle se forment les objets tels que langoustine, autobus, etc. dont l'encéphale, qui a oublié d'être con, enregistrera la perception grâce au nerf optique. 12ceil humain est une mécanique merveilleuse dont la réussite parfaite nous conforte dans notre foi en Dieu. On regrettera seulement que l'oeil du cochon d'Inde ou du verrat poitevin bénéficie de la 67 même géniale complexité. C'est vexant, même à Poitiers. Les principales anomalies de l'oeil sont la myopie, qu'on corrige à l'aide de verres divergents, l'hypermétropie, qu'on corrige par le port de verres convergents, le strabisme, qui prête à rire, et la cyclopie, qu'on corrige par le port du monocle. Uceil est capable du clin. Le clin est la base même de la spécificité de l'oeil. Il n'existe pas de clin d'oreille, de clin de nez ou de clin de genou. Le clin d'oeil sert à marquer discrètement une complicité tacite entre deux ou plusieurs chenapans. Il permet aussi au dragueur de se faire connaître avec une relative retenue et une certaine discrétion qu'on ne retrouve pas dans la main au panier. L'oeil du sourd est normal. P PANGOLIN : n.m., du malais pangolling, qui signifie approximativement pangolin. Mammifère édenté d'Afrique et d'Asie couvert d'écailles cornées, se nourrissant de fourmis et de termites. Le pangolin mesure environ un mètre. sa femelle s'appelle la pangoline. Elle ne donne le jour qu'à un seul petit à la fois, qui s'appelle Toto. Le pangolin ressemble à un artichaut à l'envers avec des pattes, prolongé d'une queue à la vue de laquelle on se prend à penser, qu'en effet, le ridicule ne tue plus. Le pangolin fuit la compagnie de l'homme. L'expérience montre que si nous mettons côte à côte un pangolin et un employé de la Sécu, le pangolin n'a de cesse de se sauver en poussant la plainte aride des pangolins migrants, le fameux « Gobida ! Gobidu ! Honk ! Honk ! », qui signifie approximativement : « Bon ben, c'est pas que je m'emmerde, mais il est tard ». Au reste, on voit mal quels points communs pourraient rapprocher un mammifère à écailles qui passe sa vie assit sur des fourmilières, et un mammifère à casquette dont le passe-temps favori consiste à obliger les ménagères à remplir les formulaire C112 en rayant les mentions inutiles.

(A suivre. Peut-être. C'est pas sûr. Personnellement, ça m'étonnerait. Va savoir).

LE PETIT DESPROGES ILLLUSTRE (PILOTE N° 115 - DECEMBRE 1983)

 


Pour toi, lecteur de Pilote, en première exclusivité mondiale, voici la suite de mon chef-d'oeuvre. Le plus petit dictionnaire du monde. Je dis bien le plus petit du monde. Méfie-toi des imitations. Il existe sur le marché des dictionnaires imprimés tout menu. Mais, à y regarder de plus près, ils comportent, sous ce format réduit, un très grand nombre de mots. Alors que le mien est le seul à ne comporter qu'un seul mot par lettre d'alphabet. A titre de comparaison, je rappelle que la dernière édition du "Petit Robert" comporte 2000 pages. soit, à raison d'une moyenne de 20 mots par page, 40.000 mots ! Ce qui revient à dire que "le petit Desproges illustré" comporte 39.944 mots de moins que son plus sérieux concurrent. Des chiffres qui se passent de commentaires et qui expliquent le prix relativement élevé de cet ouvrage hors du commun. Résumé des chapitres précédents : Après avoir abordé les lettres A et B, l'auteur s'en prend à la lettreC. GROUILLE : n.m. et adj. : Maghrébin. Le mot crouille est un mot crochon. Dans son sens péjoratif, il désigne un bicot. Pour nos amis ratons, le mot crouille est franchement désobligeant. Très en vogue dans la bourgeoisie algéroise pendant les années 50, le mot crouille est tombé en désuétude à l'époque où le peuple bique a conquis son indépendance. Il n'est plus guère employé qu'en ostréiculture, où l'on dira volontiers : "La jolie praire de crouille", alors que : "Le joli belon du melon" est nettement plus lourd. D DIRECTEUR : n.m. du latin "Di" ("la première porte") et "Rectus" ("à droite"). Depuis l'aurore de l'humanité et jusqu'à la semaine prochaine, si les troupes du Pacte de Varsovie ne se foutent pas sur la gueule avec celles de l'O.T.A.N., le mot "directeur" a toujours désigné un personnage important. Alors qu'une blanche vaut deux noires, un directeur vaut douze Berrichons, au moins. On ne dit pas : "Un petit directeur", on dit : "Un chef de rayon". On ne dit pas : "Un grand 7 directeur", on dit : "Un chef de diamètre". Il y a en moyenne beaucoup plus de directeurs dans une administration que dans un orchestre de jazz. Par exemple, au ministère des Postes et Télécommunications, Monsieur Jean- Pierre Brouchard dirige à lui tout seul cent vingt-cinq bons à rien vivipares, alors qu'au Modern Jazz Quartet, Monsieur Kenny Clarke joue du tambour dans un bordel indescriptible. Le féminin de "directeur" est : "La femme du directeur". Contrairement à la plupart des garçons de bain de la piscine municipale de Coligny-les-Eaux, où l'on ne peut pas fructifier tranquillement ses mycoses sans se faire engueuler, le directeur est un animal sociable. Comme le prouve l'expérience. Si nous asseyons face à face, dans un compartiment de première classe de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, deux directeurs qui ne se con- naissent pas, et si nous faisons s'ébranler le train, que se passe-t-il ? Eh bien, au moment même où le train s'ébranle, le premier directeur, que nous appellerons A, pour plus de commodité, dit à l'adresse du second, que nous appellerons B.B., en hommage à Brigitte Bardot qui était assez célèbre pour son train, elle aussi : — Ah ! nous voilà partis. Ce à quoi son vis-à-vis répond, presque du tac au tac : — Oui. E EPEIRE : n.f. du grec "EP", qui signifie Ep, et "EIRE", qui signifie Eire. Araignée à abdomen diversement coloré, qui construit de grandes toiles verticales et régulières dans les jardins, dans les bois et dans la cuisine de Simone de Beauvoir, qui est tout de même plus douée pour la littérature que pour la bouffe, contrairement à Madame Raymond Aron qui a plus fait pour la renommée du canard à l'orange dans le huitième, que son mari pour celle de l'humanisme éclairé dans les faubourgs de la Seine Saint-Denis. Les deux espèces d'Epeire les plus répandues dans nos régions sont l'Epeire Indigne, appelée ainsi parce qu'elle mange ses oeufs en mettant ses coudes sur la table, et l'Epeire de Couilles, appelée ainsi en hommage à Jean-Pierre Couilles, le célèbre entomologiste oranais qui perdit les siennes au cours d'un affrontement idéologique extrêmement violent avec un Fellagha baballophage. Comme la coccinelle, l'abeille et l'éboueur sénégalais, l'Epeire est un insecte utile à l'homme. Elle se nourrit, en effet, de pucerons noirs, de puces sauteuses et de poux chafouins, alors que l'éboueur sénégalais cité plus haut est incapable de faire du miel. D'autre part, c'est avec du jus d'Epeire, recueilli selon les méthodes ancestrales que la pudeur m'empêche de décrire ici (quand on sait ce que certains dépravés n'hésitent pas à faire aux mouches, j'ai honte pour eux) que les moines de la Grande Chartreuse font la Bénédictine.

(A suivre. Peut-être. Mais c'est pas sûr. Personnellement, ça m'étonnerait. Va savoir).

ETIQUETTE


EDITO DE J.M THEVENET (PILOTE NUMERO 111 - AOÛT 1983)


 

Que de bonnes choses pour ce numéro d'août. Non pas qu'il s'agisse de faire dans l'immédiate auto-satisfaction mais il est vrai que les purs et durs bédéphiles seront récompensés dans les mois à venir. D'abord avec le nouveau Cartland, Silver Canyon, 7e histoire d'une série qui a réussi à prendre avec talent et énergie le relais d'un genre, le western, qui semblait définitivement lié aux seules signatures de Jijé ou Gir.

Et puis bonheur de voir enfin Cartland en couleurs, ce Blanc-Dumont, que Druillet surnomma longtemps Blanc d'Espagne, à encore quelques beaux albums devant lui, en plus les femmes qu'il dessine commencent à se dévêtir... Toujours le retour aux sources avec Mézières/Christin pour Les Spectres d'Inverloch. 1983 sera l'année Christin puisque Pierre nous réserve d'autres surprises avec Annie Goetzinger et La Voyageuse de la Petite Ceinture. 

Rappelons-nous qu'il y a déjà quelque temps leur tandem avait commis La Demoiselle de la Légion d'Honneur provoquant un grand remue-ménage dans le coeur des jeunes filles et des institutions. Bien sûr quand on prononce le nom de Christin on pense de suite à celui de Bilai. Et saluons une dernière fois leur performance avec Partie de Chasse. Album de légende déjà par le mode de parution dans Pilote (sic)  : nous étions à la fois des témoins privilégiés et frustrés et puis parce que, au grand jamais, une histoire en bandes dessinées, avec tout ce qu'a de péjoratif cette expression, n'a eu un aussi bon accueil dans les médias.

Presse quotidienne, télévision, tout le monde s'en est mêlé. Même le Matin, pour ne pas le citer, s'est risqué à une accroche en première page. A signaler également une nouvelle série "Olivier Desormeaux" de Richard de Muzillac et Diego de Soria  : deux auteurs inconnus, dont un étranger, pour une histoire sur fond, mais juste vraiment le fond, de Moyen-Age avec des dialogues d'un tel modernisme qu'il est difficile d'en dire plus. Sinon retrouvez nos jeunes stars Baru et Philippe Bertrand, grâce à eux je reçois mon lot quotidien de lettres... c'est bon... Il est vrai que dans le monde de la bande dessinée, c'est encore bonjour l'obscurantisme, nous parlions de Moyen-Age là on pourrait pousser jusqu'à l'Inquisition

Quand arrivera ce jour où il faudra moins de quinze années de laborieux efforts pour reconnaître un auteur ? Amateurs de chili con carne, retrouvez les Anges d'Acier des deux Victor — Mora, de la Fuente — bande clin d'oeil au cinéma tant chéri par ceux qui furent élevés à coups de Gary Cooper dans Wings ou de James Cagney dans Ceiling Zero — dixit l'auteur.

Voilà l'orage, je vais rentrer mon linge. 

J.-M. Thévenet

HOMMAGE A EDWARD HOPPER

 Jack Manini a participé à la communauté Newsmani.com pour rendre hommage au peintre Edward Hopper.

Voici l'illustration qu'il a réalisé à cette occasion :


BRAZIL TROPICAL

 Illustration inspirée de Joséphine Baker pour le Brazil Tropical :

Sérigraphie pour le festival Vini BD de Corgoloin

 Cette illustration a été rendue disponible au public pour la première fois sous forme d'une sérigraphie vendue au festival Vini BD de Corgoloin :

JE ME DOMINE (LE BLOC-NOTES DE PIERRE DESPROGES) : PILOTE N°113

 


LA différence essentielle entre l'homme et la porte réside dans le fait que lorsqu'un homme sort de ses gonds, on dit qu'il est en colère, tandis que, quand c'est la porte qui sort de ses gonds, on dit  : "Tiens, la porte sort de ses gonds". Toutefois, il peut arriver qu'un homme en colère prenne la porte sans que celle-ci soit sortie de ses gonds, mais c'est une autre histoire.

Le mot "colère" vient du latin "dominus" qui signifie "oh la la je me domine". La colère ravale l'homme au rang du trépigneur. Elle se manifeste par une boursouflure des carotides au niveau du col de la chemise ou de tout autre vêtement, éventuellement de chez Benetton, d'un empourprement violacé du visage, d'un enflement tonitruant de la voix et d'un relâchement populacier du vocabulaire. Quelquefois, le coléreux peut même dire "bite". On dit alors qu'il est hors de lui. Ses gestes sont désordonnés. Il brasse l'air en vain et jette contre le mur des porcelaines de Saxe d'une valeur inouïe, ou un berger allemand en plâtre en position de berger allemand auprès du feu, si c'est un coléreux besogneux qui l'a gagné à la kermesse de Fougeac, contre douze lots à la loterie des anneaux. Il arrive souvent que le coléreux donne des coups de baguette bien cuite sur la tête de la mère de ses enfants, au risque de briser son ménage et son pain.

Il existe plusieurs variétés de colère  :

La colère noire, au cours de laquelle l'homme peut aller jusqu'à blasphémer Dieu ou projeter ouvertement de lyophiliser un chauffeur de taxi de type nord-africain.

La colère blanche qui fait ramper les cockers sous les divans, et la colère froide, au cours de laquelle on peut dire "bite" sans desserrer les dents, au risque d'être incompris. (Le seul mot dont la compréhension reste intacte sans desserrer les dents est "bzzz, mais on en usera avec parcimonie  : la colère froide se devant de rester une manifestation émotionnelle empreinte de la plus extrême gravité, l'irruption d'une expression aussi primesautière que "bzzz" pourrait à tout moment en discréditer la glaciale majesté).

Citons enfin la colère bleue. Quand un employé aux écritures devient rouge, on dit qu'il entre dans une colère bleue. C'est saignant. Quand un steak bleu devient rouge, aussi.

Le fruit de la tolérance est l'amour entre les peuples. Le fruit de la colère est le raisin dont on peut également extraire le vin. La dégustation du vin distingue l'homme du musulman. On choisira de préférence un bourgogne vieux pour accompagner un gibier épicé, un bordeaux jeune pour accompagner un rôti aux herbes, et un connard millésimé pour accompagner une viande froide au Panthéon.

La femme remonte à la plus haute antiquité nous dit Vialatte. La colère aussi, puisque celle de Dieu date d'avant la naissance du troisième homme. Elle se situe, si ma mémoire est bonne, en ce jour maudit où Eve chaparda une golden bénite dans un club de vacances (si ma mémoire est mauvaise aussi). Ce jour-là, Dieu, dont la générosité sans limites s'arrête dès qu'on lui pique une pomme, entra dans un courroux tout à fait remarquable. En moins de temps qu'il n'en faut à un gangster juif pour reconnaître un flic aux hormones d'un poulet casher, les cieux s'assombrissent jusqu'à l'horizon, lequel était beaucoup plus loin que maintenant, Dieu n'ayant pas eu le temps d'inventer le promoteur immobilier.
La foudre s'abattit sur le Paradis terrestre dans un fracas que je n'oserai pas qualifier de foudroyant, afin de ne pas reculer un peu plus la frontière du pléonasme. Les montagnes s'ouvrirent, la terre se fendit, les fleuves furieux sortirent de leur lit, noyant tout sur leur passage, et la voie sur berge fut fermée à la circulation.

— Homme de peu de foi, tu as trahi la confiance de ton Dieu, tonna la voix céleste du Créateur. Ça va chier. Fini la rigolade. A compter d'aujourd'hui, tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, tu connaîtras l'horloge pointeuse et la myxomatose, le parcmètre payant et la vérole, la guerre des tranchées et les métastases, et les morpions infâmes partouzeront sous ta feuille de vigne.

— Pitié, Seigneur, dit Adam 001, car c'était lui. Pitié, tu es trop cruel.

— C'est celui qui le dit qui y est, répondit le Très Haut, dans un sursaut terrible de son auguste courroux, qui le terrassa à jamais.

C'est depuis ce jour qu'Il n'existe plus.


AFFICHE

 Voici une affiche de la Galerie Oblique qui date de 2014, à l'occasion d'une exposition consacrée à Jack Manini.

LANFEUST PAR SES AMIS

En 2005, les éditions Soleil ont édité un album hommage à la célèbre série "Lanfeust" d'Arleston et Tarquin. Intitulé "Lanfeust par ses amis - tome 0 : Les Improbables", cet album, offert à l'achat d'un album, était en fait un recueil d'illustrations réalisées par un certains nombre d'auteurs Soleil de l'époque, qui ne se sont pas privés de parodier à leur manière le célèbre héros. Jack Manini a fait partie de l'aventure, voici sa contribution :


 

BOÎTE POUR PRESERVATIFS

Les débouchés pour le métier de dessinateur sont très variés et peuvent amener vers des horizons insoupçonnés. La preuve en est, si besoin, avec cet objet rare et néanmoins très beau, qui n'est autre qu'une boîte de deux préservatifs, réalisée il y a quelques années pour une célèbre marque :

 

LE TALISMAN PERDU

Voici les couvertures illustrées par Jack Manini pour la série d'aventures "Le talisman perdu, des romans d'aventure destinés aux enfants de 10 à 12 ans édités chez Nathan Poche. 

PORT FOLIO COMICS : LE MAÎTRE DU MONDE

Ces huit illustrations ont été publiées en 1985 dans le porte-folio "Comics", édité par Le Maître du Monde :  


 

 


MEMBRAKE LE MAGICIEN PAR PIERRE DESPROGES (PILOTE N° 111 - AOÛT 1983)

SI j'étais Superman, je défendrais la veuve contre l'orphelin.

J'ai horreur des enfants.

Comme Superman, à mes moments creux, je serais journaliste. A la rubrique "humour" du journal "Le Monde"  : ça me laisserait du temps libre. A l'heure de la sortie des classes, je plongerais vers les maternelles pour écraser deux ou trois merdeux de quelques mandales sidérales dans la gueule. Quel délicieux sentiment de puissance !

La puissance... Tel que vous me voyez, je peux beaucoup. Les filles m'appellent Membrake le Magicien. Que celle qui se tord et gémit dans les affres du manque d'amour, n'hésite pas à m'appeler. Je ferai jaillir en elle une immense espérance qui la pénétrera jusqu'à l'extase, avec buffet campagnard gratuit et nocturne le mercredi.

A quoi croyez-vous que rêve le candidat à la présidence de la République qui sacrifie toute sa vie à l'espoir fou de pouvoir un jour poser son cul sur une chaise un peu plus haute que celle des veaux qui l'ont élu ? Il rêve d'être Membrake et Superman, d'avoir une cape pas comme tout le monde et d'aller trois fois plus vite de Nantes à Montaigu que mon beau-frère Jean-Louis dans sa R 12.

En ce qui me concerne, si j'étais Président de la République, j'ai la nette impression, et je le dis en toute modestie, que je serais grandiose. Les réalisations prati- ques de ma politique autoritaire, mais juste, ne manqueront pas de surprendre le démocrate de base, antityrannique primaire et sottement confit dans sa vieille habitude du schéma droite-gauche.

Une de mes premières actions serait d'abolir le mois de mars, dont tout le monde sait bien qu'il doublonne avec avril, mais que personne avant moi n'osa interdire par calcul électoral et basse démagogie, et pour flatter la base accrochée à son train-train. Alors que, nous le savons tous en notre âme et conscience, si l'Homme peut vivre sans giboulées de mars, il ne saurait se passer de poisson d'avril.

Dans un deuxième temps, je rétablirais la guillotine. Pas la peine de mort  : la guillotine. Les assassins récupérables ne seront pas PUNIS de la peine de mort, mais GUERIS par l'ablation de la tête.

J'interdirais également Pierre Desproges 7 l'emploi du mot "géranium' sur les antennes de la télévision et de la radio d'Etat. Je rappelle à ce propos que ces organismes sont des SERVI- CES PUBLICS qui doivent donc tenir compte des sensibilités de tous, y compris des Françaises et des Français qui n'aiment pas le mot "géranium". Ce n'est pas mon ami Louis Leprince-Ringuet, garçon de bain nucléaire au comité pour le respect des consciences, qui me contredira.

Quand je serai chef de l'Etat, enfin, je me ferai tuer s'il le faut pour supprimer dans mon pays toutes les formes de racisme. Les racistes sont à la base de toutes les sottises. Ils sont les ferments de toutes les discordes et les moteurs de toutes les guerres. A mon avis, qui se trouve être l'avis auquel j'ai le plus volontiers tendance à me référer quand il m'arrive de vouloir savoir ce que je pense vraiment, le racisme doit être balayé de la terre entière. Je m'y emploierai dès mon entrée en fonctions à l'Elysée. Je convoquerai tous les chefs d'Etat du monde. Nous nous assiérons tous autour d'une grande table, même les Nègres, et nous prendrons les mesures qui s'imposent. Dans un premier temps, je suggérerai que les racistes pris en flagrant délit de ratonnade ou d'antisémitisme, même simplement verbal, soient privés de certains, voire de tous leurs droits civiques. Les commerçants, les fonctionnaires, les artisans coupables de racisme, se verront contraints de fermer boutique ou soumis à des périodes de mises à pied de durées directement proportionnelles à la gravité de leur faute. Par la suite, au cas où, comme tout permet de le redouter, les vagues de racisme persisteraient, j'en viendrais vraisemblablement à des mesures plus fermes. Afin que les racistes puissent être reconnus de tous et désignés d'emblée au juste courroux populaire, il se pourrait que le "R" initial de leur infamie leur soit gravé sur le front, au fer rouge, par simple décision municipale.

Mais je me laisse emporter par la colère. User du fer rouge reviendrait à entériner une pratique barbare digne des racistes eux-mêmes.

A la réflexion, je me contenterai de leur imposer le port du "R" infâmant sur une étoile jaune cousue sur la chemise ou la veste.