Frank Herbert frappe encore, et La Mort Blanche sévit très loin des sables d'Arrakis. Narration passion nante, description d'un aspect différent du labyrinthe des pouvoirs, bien sûr ; mais plus important me semble-til, avec ce retour à la Terre Herbert, aborde un problème philosophique — mais non, ne fuyez pas ! — fondamental : la responsabilité morale. Celle des terroristes qui, d'une bombe sale, peuvent transformer un être normal en source de haine absolue, comme celle des biogénéticiens manipulateurs d'ADN, qui donnent peu l'impression de s'asseoir pour réfléchir aux conséquences de leurs découvertes possibles. Il est plus facile d'imaginer la nôtre, au présent, par rapport à cette mort-là, que de déterminer qui, dans cette histoire, porte le plus lourd fardeau. Herbert fait les choses en grand : sa sirène d'alarme est aussi un drame cornélien, à l'échelle de la planète. (Laffont). Dernier volet du conte de l'Oiseau Blanc : Le Testament de Corlay. Cowper est un véritable écrivain dans ce que le terme implique de liens privilégiés avec ce qu'on peut appeler, l'inconscient collectif, de dons d'expression poétique, et de générosité. Lire ses récits, c'est s'ouvrir à un imaginaire où danse la grâce. (Denuell. Un très bon Andrevon. Le Travail Du Furet à l'Intérieur du Poulailler. Le héros est un tueur officiel fanatique de vieux films qui se met à penser, et l'écriture un passé composé de polar classique. La morale ne sonne pas tellement plus amer que notre quotidien. Croyez-moi, on ne s'embête pas une seconde. (J'ai Lu). Parmi les Histoires de la 4. Division, présentées par Gérard Klein, je vous conseille "Tout Smouales étaient les Borogoves", de Kuttner et Moore : une friandise sur un plateau bigrement bien servi. (Livre de Poche). Un premier roman : le Système Aris tote, de René Dzagoyan. C'est un Wargames, les idées sont dans l'air, où l'ordinateur multiple ne joue pas du tout. Les retournements de situation se suivent d'une façon un peu trop systématique, les noms célèbres des protagonistes lassent quelque peu, et l'auteur ne nous accorde pas la plus petite lueur d'espoir. Mais il réussit à rendre un agent de la CIA, nul -il est vrai, sympathique, et à tenir le lecteur en haleine jusqu'au bout. Le meilleur du bouquin restera sans doute sa contribution originale au mythe du savant fou, entre Pandore et Frankenstein. (Flammarion). Qui, sinon des Français, aurait pu faire du Rabelais ubuesque en SF ? L'Arbre d'Or, de Michel Grimaud, est un conte allègre, sarcastique et tendre que les amateurs de Jarry et Silverberg sauront apprécier. (Denoél). Au passage, malgré une actualité brûlante sur laquelle je reviendrai le mois prochain, deux livres à peine hors SF : prophéties pour la Fin des Temps, où l'on voit que Fumer pris de travers, comme Dick, a d'inconscients émules, et Tous Aux Abris, chef-d'oeuvre d'humour noir, impératif. Mieux vaut tard que jamais... (Chastenet, Denoël, et Derems, Le Dernier Terrain Vague).
Laurence HARLE